Les feux de mon enfance

Publié le par Dirty Epic

        Depuis ma plus tendre enfance je voue un amour sans concession à un spectacle qui ravit les yeux et les oreilles. J'ai nommé le feu d'artifice. Bien sur je sais que je ne suis pas seul à aimer la pyrotechnie, il y a en chacun de nous des vestiges préhistoriques qui nous attirent inexorablement vers le feu.
      Quand je pense que la poudre à été d'abord inventée pour émerveiller son prochain et non pour le tuer ça me dépasse. Le feu d'artifice est le vestige encore vivant de l'innocence humaine. Faire brûler et exploser sans rien détruire, tout ça pour le plaisir des yeux. La douce félicitée de l'inutile et du superflu, de l'argent qui part en fumée.
    Le feu d'artifice c'est avant tout un univers, une parenthèse de la vie qui s'ouvre avant même que la première fusée n'illumine un ciel d'encre. Sur les routes les voitures se pressent, elles roulent tête-à-cul sur des kilomètres ; chacun cherche à se rendre au point de rendez-vous, tous sont guidés par une voix intérieure, comme si chacun agissait d'après une décision prise pour tous. Les gens se suivent mais ne se ressemblent pas, tous convergent vers un seul lieu. Comme pour chaque rassemblement on retrouve les mêmes histoires, les voitures qui se garent tant bien que mal, l'impossibilité de faire demi-tour, les créneaux dans le fossé, le tout entouré de piétons qui s'insinuent partout pour attendre le cœur du feu.



    Par habitude et désormais tradition, un feu d'artifice commence toujours en retard. S'il est toujours prévu après le couché du soleil, les artificiers attendent que le public soit en place pour la communion collective. Les gens se pressent, les yeux scrutent un ciel sans étoile qui va bientôt servir de toile aux peintres du feu. Quand soudain on entend un premier crépitement. Les yeux grésillent, les oreilles scintillent. Mille têtes en arrière, les amoureux se prennent dans les bras, et là, première vraie fusée.
    Une lumière blanche monte et fend le ciel, et c'est l'explosion, les nuages se déchirent pour laisser entrevoir la beauté d'un dieu auquel on ne croit plus, et c'est là que tout chavire. Le boum arrive en retard, trop lent, trop lourd, mais l'écho le soutien, c'est une déflagration énorme ; ce sont les sons de la guerre, mais il n'y a que le merveilleux qui reste. Ce premier boum est une claque, on le sent dans le ventre. Et il est toujours suivi d'un pleur d'enfant. Pendant le répit qui suit la première fusée il y a toujours des pleurs, c'est la douleur de la mise au monde, la surprise d'avoir tant de lumière, tant de couleurs, alors que nos yeux sont habitués à la nuit. Et ce bruit, ce vacarme, que l'écho s'empresse de répéter pour prouver qu'il existe.
 
    Et il y a toujours un petit vieux pour dire "oh la belle rouge !" et un petit jeune pour répondre "comme le poulet". On a tous nos habitudes pour un feu d'artifice, un emplacement fétiche, une phrase récurrente (dans notre famille c'est "ça ressemble au papier peint de la salle", papier peint qui n'existe plus, mais l'image est toujours là) ou alors une fusée préférée, genre celle qui explose massivement avec une déflagration de bombe et qui ensuite retombe en crépitant comme une pluie de cierges magiques.
    Enfin il y a le bouquet final que tout le monde attend pour en avoir plein les yeux mais que finalement on regrette d'avoir vu puisqu'il veut dire que des fusées, il n'y en aura plus. Souvent on part en en voulant encore, il n'y a qu'en Espagne que j'ai vu un feu d'artifice qui m'a rassasié. On a encore l'odeur de poudre qui s'insinue, les oreilles qui sifflent parfois, et surtout la fumée qui zèbre encore le ciel, seul preuve du miracle passé.

    Et la tête pleine d'étoiles artificielles, la parenthèse se referme, on sort de la torpeur lumineuse et nocturne, le silence se fait après le vacarme coloré des fusées assourdissantes.

Publié dans Mes humeurs

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A
Bon ben celui là aussi car j'aime bien aussi les feux d'artifice
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B
...Beaux Arts tifils...
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