De l'enfer au paradis

Publié le par Dirty Epic

    La vie n'est pas une ligne droite et il y a des virages qu'il faut savoir prendre. Hier, mercredi 25 octobre, j'empruntais la petite route en direction de Château-Salins, pour me rendre à mon stage quotidien. Cette N74 connue pour ses virages et ses bosses, et ses villages à traverser lentement, et ses nids de poules, et sa visibilité quasi-nulle. Dans ma camionnette, j'écoute France Inter en pensant à ma conférence qui allait se dérouler le soir. La route est calme, les voitures se suivent, sans grande surprise. La route se déroule sous mes roues et mon véhicule tire à droite, je ne sens rien, je ne comprends pas, je vois un poteau réfléchissant devant moi, près du fossé, je l'évite, je perds tout contrôle, mon camion blanc danse sur la route, j'ai beau freiner, tourner le volant, rien n'y fait, je ne vois que du bleu, blanc, vert, bleu, blanc, vert, flou, une AX, et du verre. Du verre partout. Je n'ai pas senti le choc, ou je l'ai oublié.

    Je ne sens aucune douleur, je n'ai rien, je suis en vie et entier, la ceinture de sécurité m'a sauvé. Mais que s'est-il passé ? Enfin je réagis, et cette voiture, en face ? Je coupe le contact, je sors de ma camionnette en forçant sur la porte. Je vois la voiture en bas, dans un champ, l'avant a disparu, je vois une batterie au loin, je glisse dans la boue, je titube, et j'entends « Laurence, Laurence, Laurence… » le cri lancinant d'un père qui cherche à réveiller sa fille, qui conduisait. Il veut la secouer, je l'en empêche, elle ne bouge pas. Je touche son cou, je sens son pouls. J'enlève mon gilet et le place sur elle. Je prends mon portable pour appeler les pompiers pendant qu'un homme qui s'est arrêté s'occupe de la fille. Elle se réveille enfin, respirant en souffrant pendant que j'essaie d'expliquer aux pompiers ce qui se passe. Les mots se bousculent dans ma bouche, tant de choses à dire en si peu de temps. Le mot « désincarcération » résonne dans ma tête, et je n'arrive pas à le prononcer. L'avant de la voiture est horrible, où sont ses jambes ?

    Je panique, je tremble, j'ai peur, j'ai froid. Une ambulance arrive, ils ne peuvent rien faire, ils s'occupent du père pendant que Laurence souffre et je l'entends. J'en pleure. Je veux donner ma vie pour la sauver. Je regrette, je ressasse. Que s'est-il passé ? Je me hais de la faire souffrir. Les gendarmes arrivent enfin, les pompiers les suivent. Le père est enroulé dans une couverture de survie, et j'ai froid, j'ai si froid… Je suis couvert de boue, j'ai mal cœur, j'ai du mal à rester debout, j'erre sur la route. Un gendarme m'oblige à monter dans une camionnette, la même que celle que je viens de détruire. La radio passe -M- En tête à tête, mon esprit sarcastique et noir chante « en tête à queue », je ris de l'ironie.

    Au bout d'1h15 de travail acharné, les pompiers libèrent Laurence de sa prison de tôle. Elle remue les jambes. Je suis rassuré, mais je ne sais toujours pas dans quel état elle est. Elle se rendait à Nancy pour prendre le train et des vacances à Lyon. Je suis rentré dans sa vie avec une collision de carrosseries blanches. Elle souffre de multiples fractures ; elle n'aura pas de séquelles, mais la convalescence sera longue. Je suis responsable de son état, sa vie va changer suite à ça, je ne l'ai pas voulu et elle non plus. Le destin est méchant avec les gens qui roulent prudemment et qui voient un camion blanc foncer vers eux en dérapant. David contre Goliath.

    Si ses blessures sont sur son corps, mes blessures sont dans la tête, je sais que je guérirai peu à peu, je suis heureux de savoir qu'elle est en vie et qu'elle pourra reprendre sa vie d'avant.
    le lendemain, ma vie a pris un nouveau virage, avec le plus beau des visages, je ne dis pas son nom, mais je sais qu'elle est sage, elle m'a aidée, pour cette journée sauvage, et grâce à ses baisers, dans le bonheur je nage.
    Les nuages s'effacent, l'aurage est passé.

Publié dans Mes humeurs

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